Nous sommes heureux de vous donner rendez-vous avec la traversée du Triptyque dès la saison prochaine à la Salle Europe de Colmar le 11 novembre 2020!
Une fois n’est pas coutume, nous sommes REprogrammés. C’est inédit pour le Gourbi Bleu. Une décision et un choix du responsable de la programmation, Gaël Doukkali-Burel, émis avant la crise sanitaire.
Pourquoi reprogrammer ce Triptyque??
Réponse de Gaël Doukkali-Burel, responsable de la salle Europe de Colmar
Tout d’abord, même si tu as bien précisé que la reprogrammation du Triptyque n’est pas le « fruit » du covid, j’aimerais faire un petit détour avant de te répondre en parlant de Bazar, un des anciens spectacles du Gourbi bleu, produit en période de crise.
Tu me diras peut-être qu’il n’a pas été créé par rapport à la crise de 2008-2011 mais j’en porte le souvenir d’une pièce qui dit plus qu’elle ne donne à entendre. Il y avait, dans ce travail, la toile de fond de notre quotidien de l’époque : une voix dans une radio qui égrenait ces nouvelles monodiques de chômage, de crash financier de tension sociale…. Un contexte qu’on qualifierait d’anxiogène et qui aujourd’hui continue de servir de décor à notre vie, avec d’autres mots. Ce décor, c’est celui d’une tension, d’une contraction qui ne termine pas, et qui s’immisce sournoisement dans notre quotidien polychrone. C’est révoltant, quand on y pense, car peu de personnes confèrent et reconnaissent le caractère incapacitant de ce décor. Mais toi tu faisais partie de ceux qui s’interrogeaient, à l’époque de Bazar, sur comment les enfants y étaient sensibles et j’avais aimé que tu donnes une place à cette question dans le spectacle. J’ai donc imaginé à l’époque, que tu étais quelqu’un qui était sensible à l’humain, inscrit dans son plus large contexte, quelqu’un de l’économie humaine.
Cette économie humaine elle existe quand elle replace l’articulation des actions humaines dans leur environnement ; tant dans la partie des échanges matériels que ceux immatériels que sont la création, la pensée et l’œuvre finalement. Et surtout, elle sous-entend un principe circulaire, c’est-à-dire qu’il s’opère un retour, une réinjection dans l’humain et dans son environnement. On ne sent pas cette logique de profit, on y sent la générosité et aussi l’ambition collective, nécessaire à porter tout idéal philosophique. Des sentiments bien trop absents des créations actuelles de théâtre je trouve, mais bien présents dans le tien.
Toi Sandrine, dans ton travail (et sans doute dans la vie, je ne sais pas) tu sais bien faire résonner l’humain avec son actualité, dans un espace scénique dont l’imaginaire résonne à son tour avec l’actualité de ses spectateurs. Tu as l’ambition simple et modeste du partage dans ce qu’il a d’enrichissant et c’est ce qui ressort de tes mises en scènes. Bon, c’est peut-être un peu obscur dit comme ça, mais c’est en fait une des raisons principales qui explique mon choix de redonner à voir le Triptyque durant la saison 2020-2021.
Je fais peut-être un raccourci mais les « affaires humaines » d’Hannah Arendt, universelles, résonnent pour moi comme cette économie humaine. Elles nous forment à l’ambition d’un collectif averti au sens critique, tolérant et juste. Voilà ce qui pourrait motiver la programmation (et la reprogrammation) du Triptyque car c’est ce qui traverse les 3 textes de Marion Muller Colard. Je dirais aussi que tu n’as pas cédé aux compromissions qu’exige l’écrasant système culturel actuel, avec des créations et des diffusions souvent larvées, et qu’à ce titre, il y a une seconde nécessité à diffuser et rediffuser Hannah, Bouche Cousue et La Vierge et moi. S’il est inhabituel dans notre milieu de reprogrammer un spectacle pour toutes ces raisons, c’est sans doute que l’on s'égare.
Enfin, artistiquement, d’une exigence que l’on ne pourrait contester, (mais il y aura toujours des contestations sinon ce serait trop simple), ces trois volets vivent à la scène avec une équipe d’une grande qualité, porteuse de mêmes valeurs. Mais les trois volets du Triptyque et l’engagement de ton équipe ne se partageront et ne se vivront que s’ils ont accès à une scène. Voilà pourquoi j’en appelle à l’attention. L’attention que les futurs spectateurs, les diffuseurs et les soutiens du milieu culturel pourront porter à ton travail et à ce Triptyque. Et peut-être qu’en reprogrammant ce spectacle, on attirera l’attention plus facilement… qui sait ? Alors pas de chichis : prenez vos chips, vos crêpes et rendez-vous au Triptyque du Gourbi Bleu.
Gaël Doukkali-Burel 19/05/2020
Pour les autres dates avec le glissement de terrain du Covid nous reprendrons à l’automne 2021 à la Passerelle à Rixheim, à Homécourt, et d’autres pistes mais pas assez sûres pour les partager.
En attendant, ce temps a permis de repenser les fondations. Le Gourbi Bleu s’est rappelé ses débuts avec J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce qui s’est créé dans le Parc de Wesserling en 2005 ! Et ce spectacle qui a joué d’abord en dehors des théâtres puis dans les théâtres...
- (eh oui c’est dingue ce retour aux sources, ces boucles qui consolident font sens) un retour aux sources s’est opéré de fait dès 2017 avec l’implication de Sandrine Pirès à la création du Collectif des Possibles-
Le désir est de jouer le Triptyque également hors des théâtres pour faire entendre ces textes là où on ne les attend pas. Pour cela, nous en ferons l’expérience sur la Communauté de Commune de St Amarin en partenariat avec le Collectif des Possibles
et peut-être aussi vers Longuyon… Chuuuut!
Chaque spectacle qui compose ce Triptyque aura aussi une vie autonome.
Et chaque spectacle aura une vie en-dehors des théâtres et dans les théâtres.
Tout en continuant à promouvoir la Traversée du Triptyque telle que nous l’avons déjà créée.
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